Tribune REPORTERRE «Écologistes : l’épuration qui vient»

Crédit photo © Bastien Ohier / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Journaliste, Nicolas Legendre a reçu en 2023 le prix Albert Londres pour son livre Silence dans les champs (éd. Arthaud), résultat de sept ans d’enquête sur l’agro-industrie bretonne. Il signe ici une tribune sur le contexte politique tendu qui tend à désigner les écologistes comme bouc émissaire.

La désignation de plus en plus forte des écologistes comme ennemis de l’agriculture et de la nation française préfigure une potentielle épuration, prévient le journaliste Nicolas Legendre dans cette tribune.

Voilà des mois que le contexte politique, en particulier le champ de bataille que sont devenues l’agriculture et l’écologie, me hante. Pour ne pas rester sans rien faire, j’ai écrit un texte qui, je l’espère, contribuera à éclairer les dynamiques fétides actuellement à l’œuvre.

En octobre dernier, un couple d’éleveurs bretons m’a raconté comment leur fille adolescente, durant ses études agricoles, a été moquée et dénigrée par des camarades de classe. Parce que ses parents sont des « bios », elle était, aux yeux de quelques-uns, la « sale pute d’écolo » (sic).

Le 8 décembre, la ministre de l’Agriculture française a déclaré dans un discours : « Nous devons lutter contre les tentations de la décroissance portées par quelques thuriféraires du décadentisme.[…] Chaque fois que je dis ces deux mots, “produire plus” il y a toujours quelqu’un pour me dire “ah le productivisme, ah la malbouffe”. C’est une trahison de la nation que cette malhonnêteté intellectuelle là. »

« Nous devons leur faire la peau »

Le 19 novembre, le nouveau président de la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole français, déclarait publiquement : « Les écolos, la décroissance veulent nous crever, nous devons leur faire la peau. »

En mars 2025, une vidéo « humoristique » était diffusée lors de l’assemblée générale des Jeunes agriculteurs de la Manche, syndicat affilié à la FNSEA, en présence du préfet de département. On pouvait y voir un agriculteur excédé par la visite dans sa ferme d’un agent de l’« Office du complot de la biodiversité ». Le fonctionnaire finissait assassiné à coup de pelle et enterré à la hâte.

Je pourrais multiplier les exemples. Pour certains, en France, les « écologistes » sont devenus des ennemis à abattre. Non pas seulement des adversaires politiques, mais des ennemis. Que l’on compare aux pires dictateurs sanguinaires (talibans, ayatollahs, khmers). À qui l’on peut promettre la mort sans que cela déclenche l’activation de quelque cellule gouvernementale.

C’est ainsi que commencent les épurations — j’assume ce mot. C’est ainsi, du moins, que les épurations ont commencé, dans d’autres contextes.

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